vendredi 9 novembre 2012

Juliette Binet


Juliette Binet, détail d'Un courant d'air, Le Rouergue, 2012


Parfois, on a besoin de distance, de contours ou d’intermédiaires pour se dire les choses. Se parler, peu se relever si difficile. Juliette Binet a mis en scène dans son dernier album Un courant d’air (aux éditions du Rouergue) le chemin mouvementé de l’échange entre deux personnages. La première page s’ouvre sur une fille qui porte à deux mains un incroyable et volumineux instrument de musique (cor ou tuba) dans lequel elle souffle avec force. Faut-il, pour être entendu, parler avec puissance ? Le livre enchaîne les situations où le vent s’engouffre et dévoile l’intimité, brise les habitations, entraîne la fuite. Travailler à l’encre, les corps des animaux sont mouchetées d’épines ou d’écailles et semblent à la fois effrayants et fantastiques.  La dernière page, tout en délicatesse, met à découvert l’attrapeur de nuages auquel s’adresse la musicienne de la première page. Doit-on sortir de ses rêves (et descendre de ses nuages) pour être à l’écoute de notre entourage ?
 Les lecteurs trouveront sans doute d’autres lectures à cet album et c’est là la magie des histoires de Juliette Binet. Bien sûr, on peut, en respectant l’ordre des pages, suivre la narration mais quel plaisir de se perdre dans une image et raconter (se raconter) une autre histoire que l’histoire.

Juliette Binet a passé dix ans de son enfance à Nantes. Elle n’a plus l’occasion d’y revenir souvent. Récemment elle a participé aux Rencontres d’illustrateurs de Vertou, elle m’a confié l’étrangeté à parcourir une ville dont elle a gardé plus de sensations que de souvenirs précis.

Juliette Binet a étudié aux Arts Décoratifs de Strasbourg où elle a créé l’histoire d’Edmond (publié en 2008 par les éditions Autrement). Elle est partie d’illustrés d’enfants du début du 20e siècle pour raconter une histoire sur la différence et sur l’apparence que l’on adopte pour intégrer un groupe.

Sensible à l’imagerie populaire des années 1900 (planches de botaniques, catalogues de jardinage, carterie…), Juliette Binet croit à la nécessité de multiplier les inspirations pour enrichir son travail. Elle chine, elle visionne, elle écoute, elle regarde… Tout est piste de réflexion.

Aujourd’hui, elle travaille sur un beau projet : celui  d’un abécédaire, un album que la Ville de Strasbourg souhaite offrir aux futurs écoliers de CP. Des planches de lettres qui donneront à ces futurs lecteurs l’envie d’entrer dans la lecture et dans l’écriture.

Derniers ouvrages parus :
Un courant d’air, Le Rouergue, octobre 2012
L’Horizon facétieux, Gallimard, 2011
Le Cousin, Albin Michel, 2010

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